FOREL 11 mars 2017

André Massard a le coeur lourd. «Branda», doyenne du troupeau de brown swiss, vient d’être envoyée à la boucherie après avoir avorté de son huitième veau. La dernière d’une funeste série, qui a déjà fait perdre à l’éleveur plusieurs milliers de francs. En cause? Un germe pathogène, agent de la néosporose, présent notamment dans les excréments de certains chiens. Las, dépité, il lance un cri d’alarme.

Clémentine Prodolliet

Trop, c’est trop! Déjà contrarié par la sécheresse de cet été et la baisse constante du prix du lait, André Massard, paysan à Forel, doit maintenant faire face aux avortements répétés de ses vaches. La raison? Une maladie nommée néosporose, pouvant notamment être transmise par les crottes de certains chiens abandonnées dans les pâturages, et qui provoque la mort des veaux après quelques mois de gestation. «On ne contrôle ni la météo, ni l’évolution du marché laitier. Mais les crottes de chiens qui s’amoncellent dans l’assiette des bovins, c’est une simple question de savoir-vivre!», s’énerve l’éleveur de 55 ans, entouré de son épouse, Carmen, et de leurs trois enfants.

Tout a commencé en septembre 2014. «Milka», une brown swiss de 11 ans, avorte après quatre mois. La chose n’est pas rare, André Massard ne s’inquiète pas et refait inséminer sa vache, qui perd une nouvelle fois son fotus après quatre mois. Sans doute la vieillesse. La néosporose peut-être, mais les frais d’analyse (80 frs environ) lui sont dus, il préfère passer outre. Sans veau, pas de lait, son gagne-pain. L’homme, à la tête d’un troupeau de 23 vaches et 25 génisses, est donc contraint d’envoyer sa bête à la boucherie. Un crève-cour. «Même si on sait que ça fait partie de notre boulot, ce n’est jamais un plaisir. C’est qu’on s’y attache à ces bêtes», soupire le paysan.

Manque à gagner

Décembre 2014, le petit de «Finette», 4 ans, laitière aux capacités prometteuses, est retrouvé mort. Le doute s’installe chez l’agriculteur, qui avise le vétérinaire. C’est la période des fêtes, impossible d’expédier le fotus à temps pour l’examen de la néosporose. André Massard envoie tout de même le sang de la mère à Berne pour procéder aux analyses conventionnelles, remboursées cette fois par la Caisse des épizooties. Mais les résultats ne donnent rien. Deux mois plus tard, «Bonbon», 6 ans, avorte de jumeaux, cas relativement fréquent chez les bovins. L’éleveur décide de ne rien faire, mais le manque à gagner se creuse, plusieurs milliers de frs en cinq mois.

Promeneurs interpellés

Tout change début juillet lorsque la mascotte de la famille, «Branda», 13 ans, que tout le monde surnomme affectueusement «La Mémé», avorte de son huitième veau. Le fotus est envoyé au laboratoire pour analyse et le verdict tombe, comme un couperet: néosporose. La doyenne risque de ne plus jamais pouvoir donner la vie, la maladie empêche souvent les bovins de mener leurs gestations jusqu’au bout, André Massard doit donc s’en séparer. Il craque. «J’étais tellement triste que je n’ai même pas réussi à l’emmener dans le camion pour l’abattoir, se souvient le paysan, ému. J’ai eu une dizaine d’avortements en 40 ans, alors quatre en dix mois…»

Coup de fil au syndic, Daniel Flotron, dont les pâturages sont régulièrement souillés par des déjections canines, qui lui confie avoir déjà rencontré pareille série noire il y a trois ans. Même son de cloche du côté de ses confrères Nicolas Pauly et Jean-François Cordey, à Forel toujours. «Le problème, comme les analyses ne sont pas remboursées, c’est que les paysans ont tendance à attendre avant de demander un diagnostic», précise André Massard. L’homme réagit et tente d’interpeller les promeneurs, parfois sans succès. «La plupart pensent qu’il s’agit seulement d’une question de propreté. Quand je leur explique ce qui affecte mes vaches, certains ramassent immédiatement les crottes de leur chien mais d’autres m’ignorent ou me disent qu’ils n’ont pas de sachet avec eux», relate-t-il, amer.

Meilleure prévention exigée

André Massard se lance alors dans une vaste campagne de sensibilisation, aidé de sa fille aînée Marion, 17 ans, qui réalise un diaporama de 20 pages, émouvant et documenté. La missive est envoyée au Club Cynologique de la Riviera, aux magasins Landi, et au suppléant du vétérinaire cantonal. «L’état n’a aucune peine à nous imposer des normes d’hygiène. Je ne vois pas pourquoi il ne ferait pas de même avec les propriétaires de chiens et ce, dans l’intérêt des vaches, des veaux, des paysans et des consommateurs bien sûr, peste l’éleveur. Et André Massard d’ajouter: «Comment voulez-vous que j’assainisse mon troupeau si rien ne change au bout de la chaîne?»

De guerre lasse, le paysan a déjà pris contact avec le Juge de Paix pour envisager de procéder à la mise à ban de ses parcelles, qui aurait pour effet d’en interdire l’accès au public. «Je privilégie toujours la prévention à la répression et je trouverais dommage de devoir en arriver là. Le problème, c’est que les gens oublient souvent que les champs sont des propriétés privées, au même titre que les pelouses des villas. Je n’ai aucun souci à ouvrir mes pâturages aux promeneurs. Mais lorsqu’ils les prennent pour des poubelles ou des WC canins, je ne suis plus d’accord.»

 

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Attention, les crottes des chiens peuvent mener les vaches à l’abattoir
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